Ma première rencontre avec Jayanthi ne s’est pas faite de manière classique. J’étais sortie boire un verre avec des amies et l’une d’entre elles, qui travaille dans une ONG locale, me dit : « Mais c’est pas la femme qui a gravit l’Everest ?
-Aucune idée !
-Mais si ! C’est la seule Sri Lankaise qui est arrivée au sommet ! Je ne suis pas sûre, j’hésite à aller la voir. »
Du coup on fonce vers la présumée « femme qui a gravit l’Everest » et on lui demande « Did you climb the Everest ?»
Mon amie était tellement excitée de la rencontrer qu’elle en perdait son anglais.
Un mois après notre rencontre, je me dis que ce serait intéressant de donner une autre image du Sri Lanka, celle d’un pays qui a bien plus à offrir que des plages et des sites culturels, et je décide de contacter ladite Jayanthi. Elle me recontacte très rapidement et on se met d’accord pour une date !
Très occupés, Jayanthi et Johann me donne rendez-vous à The Cutting Station (salon de coiffure de Johann très branché) pour une interview. Lorsqu’on voit Jayanthi, une femme toute petite et de carrure assez frêle, on n’imaginerait pas qu’elle a bravé la montagne la plus haute du monde.
Qui êtes-vous ?
Jayanthi : je travaille dans une association qui lutte pour l’égalité des genres et fait de la prévention contre les violences domestiques. Le trekking est un hobby depuis très longtemps.
Johann : je suis coiffeur/styliste et possède mon propre salon à Colombo, en Angleterre et en Australie. J’ai créé The Cutting Station il y a maintenant 19 ans.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Johann : on s’est rencontré en 2011 via des amis en commun, qui nous ont présentés. Ils savaient que nous étions tous deux passionnés par le trekking. Depuis, nous sommes inséparables et nous effectuons les treks ensemble !
Pourquoi le Trekking ?
Jayanthi : j’aime le trekking depuis que je suis toute petite ! J’ai toujours été un peu aventurière, j’aimais arpenter les différents chemins mais surtout trouver ma propre voie. Un peu comme dans la vie ! Le trekking c’est aussi le meilleur moyen pour se connecter à la nature, surtout lorsqu’on vit dans une ville comme Colombo.
Johann : je faisais pas mal d’activités extérieures avec ma famille lorsque je n’étais encore qu’un enfant. En grandissant, j’ai ressenti de plus en plus l’envie d’aller à l’aventure et c’est comme cela que j’ai continué le trekking. Tout comme Jayanthi, la randonnée dans la nature me permet de me reconnecter avec moi-même et elle m’est très utile pour trouver l’inspiration. Ma créativité bouillonne à chaque fois et je trouve de nouveaux challenges et de nouvelles idées !
Qu’est-ce-qui vous a décidé à grimper l’Everest ?
Jayanthi : j’ai toujours voulu gravir l’Everest, depuis toute petite. Mais cela paraissait tellement surréaliste, impossible. Et pourtant, en grandissant, cette envie s’est faite de plus en plus présente et c’est après ma rencontre avec Johan que j’ai su que je le ferais ! On n’est plus fort à deux, surtout vu le travail à accomplir : recherche d’un guide, achat du matériel, etc…
Johann : j’étais déjà allé au camp de base de l’Everest en 2010 et je me souviens de ce que j’avais ressenti : « comment les gens trouvent-ils la force d’aller tout en haut ? ».
Qu’en a pensé votre entourage ?
Jayanthi : lorsqu’on a pris la décision de gravir l’Everest, nos amis et familles ont été d’un grand soutien, même s’ils avaient peur pour notre sécurité. C’est primordial d’être bien entouré et d’avoir des proches qui nous encouragent dans ce que l’on entreprend. C’est valable pour n’importe quel projet ! En réalité, ce n’est pas comme si on n’avait pas fait d’autres ascensions. Ils étaient habitués à ma folie, alors après le Kilimandjaro, ils n’ont pas été trop surpris.
Johann : avoir un projet comme l’ascension de l’Everest sans avoir aucun soutien, ce serait difficile. Mais heureusement nous avons un entourage positif qui nous a encouragé à chaque étape de la préparation que ce soit financier ou humain.
Comment avez-vous vécu l’ascension ?
Johann : on s’est préparé à ce que ce soit difficile et en réalité ça a été encore plus difficile ! Ça a été 100 fois pire que prévu ! Le plus dur a été de monter puis ensuite descendre puis ensuite remonter et ainsi de suite : un mal nécessaire puisque l’important est d’habituer le corps à l’altitude. Un conseil : toujours écouter son corps ! C’est très important ! Et c’est très personnel ! Chaque personne réagit de manière différente à l’altitude, et ce peu importe votre condition physique ! Cela ne sert à rien de s’en vouloir, il faut l’accepter et faire des choix en conséquence.
Jayanthi : ça a été tellement éprouvant mais ça en a valu la peine ! Lorsqu’on arrive au sommet, on se sent tellement bien et on oublie toutes les souffrances. Avoir fait le Kilimandjaro avant nous a permis à tous les deux de connaître notre corps et ses limites. L’altitude est harassante et on a vu apparaître quelques symptômes. J’ai eu une perte d’appétit et des maux de tête mais rien de grave. Il faut commencer à s’inquiéter lorsqu’on a des nausées et autres symptômes plus inquiétants…
Vous n’avez jamais pensé à abandonner ?
Jayanthi : Jamais ! C’était plutôt «maintenant, il faut que je trouve la force de continuer » ! Même si cela a été un challenge individuel, on a reçu énormément de soutien via notre page Facebook maintenu par nos amis. Ils nous envoyaient constamment des messages et cela nous encourageait énormément ! En fait, on ne s’attendait absolument pas à tant d’encouragements.
Johann : On ne perdait pas de vue notre objectif ! Il fallait toujours repousser nos limites et avancer. Puis, on recevait tellement de messages qu’on en oubliait nos peines.
Racontez-nous la dernière étape avant le sommet !
Jayanthi : le sommet a été encore plus incroyable que dans mes rêves, et le lever du soleil inoubliable. Une sensation de force et d’accomplissement que je n’oublierais jamais !
Johann : malheureusement, je n’ai pas pu faire l’étape finale dû à un problème matériel. Jayanthi ne l’a appris qu’à son retour mais nous avions abordé la question du « et si l’un de nous deux n’y parvenait pas ? ». On était une équipe et l’un de nous deux devait le faire, c’était la règle !
A quoi ressemble votre vie aujourd’hui ?
Jayanthi : on ne s’attendait pas à recevoir tant d’amour à notre retour. On a été accueilli comme des héros ! On a repris nos emplois mais on remplit nos agendas d’interviews, de rencontres, de voyages et…de trekking !
Johann : on ne sait pas ce qu’on va gravir mais on ne va pas s’arrêter de faire ce que l’on aime ! Cette expérience nous a appris à nous connaître encore plus et surtout comment réagir face aux obstacles !
Quels sont vos treks préférés au Sri Lanka ?
Jayanthi : la montagne des Knuckles Range qui n’est pas souvent proposée dans les circuits touristiques ! La forêt de Sinharaja est aussi une excellente option de trekking : on se retrouve en pleine forêt tropicale littéralement coupé du monde (pas de wifi !) et on en profite pour se reconnecter avec soi-même. Pour ceux qui recherchent un défi pour leurs vacances, Adam’s Peak reste une excellente option : monter les marches tout en écoutant les refrains que les pèlerins chantent à tue-tête !
Johann : mon trek préféré se situe à Horton Plains. J’aime aussi beaucoup la région d’Haputale. Au Sri Lanka vous pouvez faire de la randonnée dans différents paysages : c’est excitant de passer des plantations de thé aux forêts!
Trek en groupe ou trek tout en solo ?
Jayanthi : je préfère être accompagnée. Pouvoir marcher tout en discutant dans un endroit calme mène généralement à quelques confessions. Les gens se sentent toujours plus en confiance et parle à cœur ouvert. C’est tellement plus intéressant !
Johann : marcher en groupe est important pour moi puisque c’est toujours intéressant de partager ses émotions avec autrui. Ca rapproche !
Des conseils pour les débutants et ceux qui hésitent à venir ?
Jayanthi : je suis parfaitement consciente que le Sri Lanka n’est pas aussi connu que le Népal comme destination de trek. Mais pourquoi faire comme les autres ? Le Sri Lanka gagne en popularité et offre de nombreuses possibilités pour tous les niveaux ! Je conseille de faire ses recherches avant de choisir son itinéraire de trek et surtout son guide.
Johann : le Sri Lanka permet de passer d’un paysage à un autre malgré sa petite taille et c’est ce qui fait sa force, incontestablement. De plus, cela permet de créer des emplois pour les villages de la région montagneuse. Le Sri Lanka est bien plus que juste une destination balnéaire !